Page:Renan - Vie de Jesus, edition revue, 1895.djvu/383

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rigide, s’opposent comme deux termes inconciliables. En Orient, il y a de l’un à l’autre mille fuites et mille détours. Les auteurs de livres apocryphes (de « Daniel », d’ « Hénoch », par exemple), hommes si exaltés, commettaient pour leur cause, et bien certainement sans ombre de scrupule, un acte que nous appellerions un faux. La vérité matérielle a très-peu de prix pour l’Oriental ; il voit tout à travers ses préjugés, ses intérêts, ses passions.

L’histoire est impossible, si l’on n’admet hautement qu’il y a pour la sincérité plusieurs mesures. La foi ne connaît d’autre loi que l’intérêt de ce qu’elle croit le vrai. Le but qu’elle poursuit étant pour elle absolument saint, elle ne se fait aucun scrupule d’invoquer de mauvais arguments pour sa thèse, quand les bons ne réussissent pas. Si telle preuve n’est pas solide, tant d’autres le sont !… Si tel prodige n’est pas réel, tant d’autres l’ont été !… Combien d’hommes pieux, convaincus de la vérité de leur religion, ont cherché à triompher de l’obstination des hommes par des moyens dont ils voyaient bien la faiblesse ! Combien de stigmatisées, de convulsionnaires, de possédées de couvent, ont été entraînées par l’influence du monde où elles vivaient et par leur propre croyance à des actes feints, soit pour ne pas rester au-dessous des autres, soit pour soutenir la