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Il n’y avait pas pour lui de surnaturel, car il n’y avait pas de nature. Ivre de l’amour infini, il oubliait la lourde chaîne qui tient l’esprit captif ; il franchissait d’un bond l’abîme, infranchissable pour la plupart, que la médiocrité des facultés humaines trace entre l’homme et Dieu.

On ne saurait méconnaître dans ces affirmations de Jésus le germe de la doctrine qui devait plus tard faire de lui une hypostase divine[1], en l’identifiant avec le Verbe, ou « Dieu second[2] », ou fils aîné de Dieu[3], ou Ange métatrône[4], que la théologie juive créait d’un autre côté[5]. Une sorte de besoin amenait

  1. Voir surtout Jean, xiv et suiv.
  2. Philon, cité dans Eusèbe, Præp. evang., VII, 13.
  3. Philon, De migr. Abraham, § 1 ; Quod Deus immut., § 6 ; De confus ling., §§ 14 et 28 : De profugis, § 20 ; De somniis, I, § 37 ; De agric. Noë, § 12 ; Quis rerum divin. hæres, § 25 et suiv., 48 et suiv., etc.
  4. Μετάθρονος, c’est-à-dire partageant le trône de Dieu ; sorte de secrétaire divin, tenant le registre des mérites et des démérites : Bereschith rabba, v, 6 c ; Talm. de Bab., Sanhédr., 38 b ; Chagiga, 15 a ; Targum de Jonathan, Gen., v, 24.
  5. Cette théorie du Λόγος ne renferme pas d’éléments grecs. Les rapprochements qu’on en a faits avec l’Honover des Parsis sont aussi sans fondement. Le Minokhired ou « Intelligence divine » a bien de l’analogie avec le Λόγος juif. (Voir les fragments du livre intitulé Minokhired dans Spiegel, Parsi-Grammatik, p. 161-162.) Mais le développement qu’a pris la doctrine du Minokhired chez les Parsis est moderne et peut impliquer une influence étran-