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Testament, les sens figurés les plus larges[1]. D’ailleurs, l’idée que Jésus se fait de l’homme n’est pas cette idée humble, qu’un froid déisme a introduite. Dans sa poétique conception de la nature, un seul souffle pénètre l’univers : le souffle de l’homme est celui de Dieu ; Dieu habite en l’homme, vit par l’homme, de même que l’homme habite en Dieu, vit par Dieu[2]. L’idéalisme transcendant de Jésus ne lui permit jamais d’avoir une notion claire de sa propre personnalité. Il est son Père, son Père est lui. Il vit dans ses disciples ; il est partout avec eux[3] ; ses disciples sont un, comme lui et son Père sont un[4]. L’idée pour lui est tout ; le corps, qui fait la distinction des personnes, n’est rien.

Le titre de « Fils de Dieu », ou simplement de

  1. Le fils du diable (Matth., xiii, 38 ; Act., xiii, 10) ; les fils de ce monde (Marc, iii, 17 ; Luc, xvi, 8 ; xx, 34) ; les fils de la lumière (Luc, xvi, 8 ; Jean, xii, 36) ; les fils de la résurrection (Luc, xx, 36) ; les fils du royaume (Matth., viii, 12 ; xiii, 38) ; les fils de l’époux (Matth., ix, 15 ; Marc, ii, 19 ; Luc, v, 34) ; les fils de la géhenne (Matth., xxiii, 15) ; les fils de la paix (Luc, x, 6), etc. Rappelons que le Jupiter du paganisme est πατὴρ ἀνδρῶν τε θεῶν τε.
  2. Comp. Act., xvii, 28.
  3. Matth., xviii, 20 ; xxviii, 20.
  4. Jean, x, 30 ; xvii, 21. Voir en général les derniers discours rapportés par le quatrième Évangile, surtout le ch. xvii, qui expriment bien un côté de l’état psychologique de Jésus, quoiqu’on ne puisse les envisager comme de vrais documents historiques.