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velle, qui serait commune à toute la terre[1]. Les esséniens, qui étaient à peine des juifs, paraissent aussi avoir été indifférents au temple et aux observances mosaïques. Mais ce n’étaient là que des hardiesses isolées ou non avouées. Jésus le premier osa dire qu’à partir de lui, ou plutôt à partir de Jean[2], la Loi n’existait plus. Si quelquefois il usait de termes plus discrets[3], c’était pour ne pas choquer trop violemment les préjugés reçus. Quand on le poussait à bout, il levait tous les voiles, et déclarait que la Loi n’avait plus aucune force. Il usait à ce sujet de comparaisons énergiques : « On ne raccommode pas, disait-il, du vieux avec du neuf. On ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres[4]. » Voilà, dans la pratique, son acte de maître et de créateur. Ce temple exclut les non-juifs de son enceinte par des affiches dédaigneuses. Jésus n’en veut pas. Cette Loi étroite, dure, sans charité, n’est faite

  1. Orac. sibyl., l. III, 573 et suiv. ; 715 et suiv. ; 756-758. Comparez le Targum de Jonathan, Is., xii, 3.
  2. Luc, xvi, 16. Le passage de Matthieu, xi, 12-13, est moins clair ; cependant il ne peut avoir d’autre sens.
  3. Matth., v, 17-18 (Cf. Talm. de Bab., Schabbath, 116 b). Ce passage n’est pas en contradiction avec ceux où l’abolition de la Loi est impliquée. Il signifie seulement qu’en Jésus toutes les figures de l’Ancien Testament sont accomplies. Cf. Luc, xvi, 17.
  4. Matth., ix, 16-17 ; Luc, v, 36 et suiv.