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bien que la femme qui le touche est une pécheresse. » Jésus répondait par la parabole d’un créancier qui remit à ses débiteurs des dettes inégales, et il ne craignait pas de préférer le sort de celui à qui fut remise la dette la plus forte[1]. Il n’appréciait les états de l’âme qu’en proportion de l’amour qui s’y mêle. Des femmes, le cœur plein de larmes et disposées par leurs fautes aux sentiments d’humilité, étaient plus près de son royaume que les natures médiocres, lesquelles ont souvent peu de mérite à n’avoir point failli. On conçoit, d’un autre côté, que ces âmes tendres, trouvant dans leur conversion à la secte un moyen de réhabilitation facile, s’attachaient à lui avec passion.

Loin qu’il cherchât à adoucir les murmures que soulevait son dédain pour les susceptibilités sociales du temps, il semblait prendre plaisir à les exciter. Jamais on n’avoua plus hautement ce mépris du

  1. Luc, vii, 36 et suiv. Luc, qui aime à relever tout ce qui se rapporte au pardon des pécheurs (comp. x, 30 et suiv. ; xv entier ; xvii, 16 et suiv. ; xviii, 10 et suiv. ; xix, 2 et suiv. ; xxiii, 39-43), a composé ce récit avec les traits d’une autre histoire, celle de l’onction des pieds, qui eut lieu à Béthanie quelques jours avant la mort de Jésus. Mais le pardon de la pécheresse était, sans contredit, un des traits essentiels de la vie anecdotique de Jésus. Cf. Jean, viii, 3 et suiv. ; Papias, dans Eusèbe. Hist. eccl., III, 39.