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lieu, les incidents particuliers qui, se combinant avec les causes générales, ont déterminé le cours des événements. Expliquer l’histoire par des incidents est aussi faux que de l’expliquer par des principes purement philosophiques. Les deux explications doivent se soutenir et se compléter l’une l’autre. L’histoire de Jésus et des apôtres doit être avant tout l’histoire d’une vaste mêlée d’idées et de sentiments ; cela pourtant ne saurait suffire. Mille hasards, mille bizarreries, mille petitesses se mêlèrent aux idées et aux sentiments. Tracer aujourd’hui le récit exact de ces hasards, de ces bizarreries, de ces petitesses, est impossible ; ce que la légende nous apprend à cet égard peut être vrai, mais peut bien aussi ne l’être pas. Le mieux, selon moi, est de se tenir aussi près que possible des récits originaux, en écartant les impossibilités, en semant partout les signes de doute, et en présentant comme des conjectures les diverses façons dont la chose a pu arriver. Je ne suis pas bien sûr que la conversion de saint Paul se soit passée comme la racontent les Actes : mais elle s’est passée d’une façon qui n’a pas été fort éloignée de cela, puisque saint Paul nous apprend lui-même qu’il eut une vision de Jésus ressuscité, laquelle donna une direction entièrement nouvelle à sa vie. Je ne suis pas sûr que le récit des Actes sur la descente du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte soit très-historique ; mais les idées qui se répandirent sur le baptême du feu me portent à croire qu’il y eut dans le cercle apostolique une scène d’illusion où la foudre joua un rôle, comme au Sinaï. Les visions de Jésus ressuscité eurent de même pour cause occasionnelle des circonstances fortuites, interprétées par des imaginations vives et déjà préoccupées.

Si les théologiens libéraux répugnent aux explications de ce genre, c’est qu’ils ne veulent pas assujettir le christia-