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pas à la lettre sa place au soleil. Il n’y a de fleurs, d’herbe, d’ombrage que pour celui qui possède la terre. En Orient, ce sont là des dons de Dieu, qui n’appartiennent à personne. Le propriétaire n’a qu’un mince privilége ; la nature est le patrimoine de tous.

Le christianisme naissant, du reste, ne faisait sur ce point que suivre la trace des sectes juives qui pratiquaient la vie cénobitique. Un principe communiste était l’âme de ces sectes (esséniens, thérapeutes), également mal vues des pharisiens et des sadducéens. Le messianisme, tout politique chez les juifs orthodoxes, devenait chez elles tout social. Par une existence douce, réglée, contemplative, laissant sa part à la liberté de l’individu, ces petites Églises, où l’on a supposé, non à tort peut-être, quelque imitation des instituts néo-pythagoriques, croyaient inaugurer sur la terre le royaume céleste. Des utopies de vie bienheureuse, fondées sur la fraternité des hommes et le culte pur du vrai Dieu, préoccupaient les âmes élevées et produisaient de toutes parts des essais hardis, sincères, mais de peu d’avenir[1].

  1. Philon, Quod omnis probus liber et De vita contemplativa ; Jos., Ant., XVIII, i, 5 ; B. J., II, viii, 2-13 ; Pline, Hist. nat., V, 17 ; Épiphane, Adv. hær., x, xii, xxix, 5.