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Et quant au luxe des vêtements, comment rivaliser avec celui que Dieu a donné à la terre et aux oiseaux du ciel ? Le travail, dans ces sortes de climats, paraît inutile ; ce qu’il donne ne vaut pas ce qu’il coûte. Les animaux des champs sont mieux vêtus que l’homme le plus opulent, et ils ne font rien. Ce mépris, qui, lorsqu’il n’a pas la paresse pour cause, sert beaucoup à l’élévation des âmes, inspirait à Jésus des apologues charmants : « N’enfouissez pas en terre, disait-il, des trésors que les vers et la rouille dévorent, que les larrons découvrent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où il n’y a ni vers, ni rouille, ni larrons. Où est ton trésor, là aussi est ton cœur[1]. On ne peut servir deux maîtres ; ou bien on hait l’un si on aime l’autre, ou bien on s’attache à l’un et on délaisse l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon[2]. C’est pourquoi je vous le dis : Ne soyez pas inquiets de l’aliment que vous aurez pour soutenir votre vie, ni des vêtements que vous aurez pour couvrir votre corps. Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent ; ils n’ont ni cellier ni grenier, et votre Père céleste les nourrit. N’êtes-vous pas fort au-dessus

  1. Comparez Talm. de Bab., Baba bathra, 11 a.
  2. Dieu des richesses et des trésors cachés, sorte de Plutus dans la mythologie phénicienne et syrienne.