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par l’action du baptiste que par la marche naturelle de sa propre pensée, mûrit beaucoup ses idées sur « le royaume du ciel ». Son mot d’ordre désormais, c’est la « bonne nouvelle », l’annonce que le règne de Dieu est proche[1]. Jésus ne sera plus seulement un délicieux moraliste, aspirant à renfermer en quelques aphorismes vifs et courts des leçons sublimes ; c’est le révolutionnaire transcendant, qui essaye de renouveler le monde en ses bases mêmes et de fonder sur terre l’idéal qu’il a conçu. « Attendre le royaume de Dieu » sera synonyme d’être disciple de Jésus[2]. Ce mot de « royaume de Dieu » ou de « royaume du ciel », ainsi que nous l’avons déjà dit[3], était depuis longtemps familier aux Juifs. Mais Jésus lui donnait un sens moral, une portée sociale que l’auteur même du livre de Daniel, dans son enthousiasme apocalyptique, avait à peine osé entrevoir.

Dans le monde tel qu’il est, c’est le mal qui règne. Satan est le « roi de ce monde[4] », et tout lui obéit. Les rois tuent les prophètes. Les prêtres et les doc-

  1. Marc, i, 14-15.
  2. Ibid., xv, 43.
  3. Voir ci-dessus, p. 82-83.
  4. Jean, xii, 31 ; xiv, 30 ; xvi, 14. Comp. II Cor., iv, 4 ; Ephes., ii, 2.