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théologien libéral est un oiseau à qui l’on a coupé quelques plumes de l’aile. Vous le croyez maître de lui-même, et il l’est en effet jusqu’au moment où il s’agit de prendre son vol. Alors, vous voyez qu’il n’est pas complétement le fils de l’air. Proclamons-le hardiment : Les études critiques relatives aux origines du christianisme ne diront leur dernier mot que quand elles seront cultivées dans un esprit purement laïque et profane, selon la méthode des hellénistes, des arabisants, des sanscritistes, gens étrangers à toute théologie, qui ne songent ni à édifier ni à scandaliser, ni à défendre les dogmes ni à les renverser.

Jour et nuit, j’ose le dire, j’ai réfléchi à ces questions, qui doivent être agitées sans autres préjugés que ceux qui constituent l’essence même de la raison. La plus grave de toutes, sans contredit, est celle de la valeur historique du quatrième Évangile. Ceux qui n’ont pas varié sur de tels problèmes donnent lieu de croire qu’ils n’en ont pas compris toute la difficulté. On peut ranger les opinions sur cet Évangile en quatre classes, dont voici quelle serait l’expression abrégée :

Première opinion : « Le quatrième Évangile a été écrit par l’apôtre Jean, fils de Zébédée. Les faits contenus dans cet Évangile sont tous vrais ; les discours que l’auteur met dans la bouche de Jésus ont été réellement tenus par Jésus. » C’est l’opinion orthodoxe. Au point de vue de la critique rationnelle, elle est tout à fait insoutenable.

Deuxième opinion : « Le quatrième Évangile est en somme de l’apôtre Jean, bien qu’il ait pu être rédigé et retouché par ses disciples. Les faits racontés dans cet Évangile sont des traditions directes sur Jésus. Les discours sont souvent des compositions libres, n’exprimant que la façon dont l’auteur concevait l’esprit de Jésus. » C’est l’opinion d’Ewald