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ceptibilité personnelle, qui en général est le propre des femmes[1]. Leur persuasion que Dieu est en elles et s’occupe perpétuellement d’elles est si forte, qu’elles ne craignent nullement de s’imposer aux autres ; notre réserve, notre respect de l’opinion d’autrui, qui est une partie de notre impuissance, ne saurait être leur fait. Cette personnalité exaltée n’est pas l’égoïsme ; car de tels hommes, possédés de leur idée, donnent leur vie de grand cœur pour sceller leur œuvre : c’est l’identification du moi avec l’objet qu’il a embrassé, poussée à sa dernière limite. C’est l’orgueil pour ceux qui ne voient dans l’apparition nouvelle que la fantaisie personnelle du fondateur ; c’est le doigt de Dieu pour ceux qui voient le résultat. Le fou côtoie ici l’homme inspiré ; seulement, le fou ne réussit jamais. Il n’a pas été donné jusqu’ici à l’égarement d’esprit d’agir d’une façon sérieuse sur la marche de l’humanité.

Jésus n’arriva pas sans doute du premier coup à cette haute affirmation de lui-même. Mais il est probable que, dès ses premiers pas, il s’envisagea avec Dieu dans la relation d’un fils avec son père. Là est son grand acte d’originalité ; en cela, il n’est nulle-

  1. Voir, par exemple, Jean, xxi, 15 et suiv., en observant que ce trait paraît avoir été exagéré dans le quatrième Évangile.