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si large du dogme, que le rationaliste peut très-bien s’entendre avec eux. Ces adversaires et moi, nous nous trouvons sur le même terrain, nous partons des mêmes principes, nous pouvons discuter selon les règles suivies dans toutes les questions d’histoire, de philologie, d’archéologie. Quant aux réfutations de mon livre (et ce sont de beaucoup les plus nombreuses) qui ont été faites par des théologiens orthodoxes, soit catholiques, soit protestants, croyant au surnaturel et au caractère sacré des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, elles impliquent toutes un malentendu fondamental. Si le miracle a quelque réalité, mon livre n’est qu’un tissu d’erreurs. Si les Évangiles sont des livres inspirés, vrais par conséquent à la lettre depuis le commencement jusqu’à la fin, j’ai eu grand tort de ne pas me contenter de mettre bout à bout les morceaux découpés des quatre textes, comme font les harmonistes, sauf à construire ainsi l’ensemble le plus redondant, le plus contradictoire. — Que si, au contraire, le miracle est une chose inadmissible, j’ai eu raison d’envisager les livres qui contiennent des récits miraculeux comme des histoires mêlées de fictions, comme des légendes pleines d’inexactitudes, d’erreurs, de partis systématiques. Si les Évangiles sont des livres comme d’autres, j’ai eu raison de les traiter de la même manière que l’helléniste, l’arabisant et l’indianiste traitent les documents légendaires qu’ils étudient. La critique ne connaît pas de textes infaillibles ; son premier principe est d’admettre dans le texte qu’elle étudie la possibilité d’une erreur. Loin d’être accusé de scepticisme, je dois être rangé parmi les critiques modérés, puisque, au lieu de rejeter en bloc des documents affaiblis par tant d’alliage, j’essaye d’en tirer quelque chose d’historique par de délicates approximations.