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que l’on croit tels, forment des armées opposées. On arrive par l’échafaud à l’apothéose ; les caractères ont des traits accusés, qui les gravent comme des types éternels dans la mémoire des hommes. En dehors de la révolution française, aucun milieu historique ne fut aussi propre que celui où se forma Jésus à développer ces forces cachées que l’humanité tient comme en réserve, et qu’elle ne laisse voir qu’à ses jours de fièvre et de péril.

Si le gouvernement du monde était un problème spéculatif, et que le plus grand philosophe fût l’homme le mieux désigné pour dire à ses semblables ce qu’ils doivent croire, c’est du calme et de la réflexion que sortiraient ces grandes règles morales et dogmatiques qu’on appelle des religions. Mais il n’en est pas de la sorte. Si l’on excepte Çakya-Mouni, les grands fondateurs religieux n’ont pas été des métaphysiciens. Le bouddhisme lui-même, qui est bien sorti de la pensée pure, a conquis une moitié de l’Asie pour des motifs tout politiques et moraux. Quant aux religions sémitiques, elles sont aussi peu philosophiques qu’il est possible. Moïse et Mahomet n’ont pas été des spéculatifs : ce furent des hommes d’action. C’est en proposant l’action à leurs compatriotes, à leurs contemporains, qu’ils ont dominé l’humanité. Jésus, de même, ne fut pas un