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de Jésus. Mais dans sa grande âme une telle croyance produisait des effets tout opposés à ceux où arrivait le vulgaire. Chez le vulgaire, la foi à l’action particulière de Dieu amenait une crédulité niaise et des duperies de charlatan. Chez lui, cette foi tenait à une notion profonde des rapports familiers de l’homme avec Dieu et à une croyance exagérée dans le pouvoir de l’homme : belles erreurs qui furent le principe de sa force ; car, si elles devaient un jour le mettre en défaut aux yeux du physicien et du chimiste, elles lui donnaient sur son temps une force dont aucun individu n’a disposé avant lui ni depuis. De bonne heure, son caractère à part se révéla. La légende se plaît à le montrer dès son enfance en révolte contre l’autorité paternelle et sortant des voies communes pour suivre sa vocation[1]. Il est sûr, au moins, que les relations de parenté furent peu de chose pour lui. Sa famille ne semble pas l’avoir aimé[2], et, par moments, on le trouve dur pour elle[3]. Jésus, comme tous les hommes exclusivement préoccupés

  1. Luc, ii, 42 et suiv. Les Évangiles apocryphes sont pleins de pareilles histoires poussées au grotesque.
  2. Matth., xiii, 57 ; Marc, vi, 4 ; Jean, vii, 3 et suiv. Voyez ci-dessous, p. 160, note 4.
  3. Matth., xii, 48 ; Marc, iii, 33 ; Luc, viii, 21 ; Jean, ii, 4 ; Évang. selon les Hébreux, dans saint Jérôme, Dial. adv. Pelag., III, 2.