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Qu’il n’eût aucune connaissance de l’état général du monde, c’est ce qui résulte de chaque trait de ses discours les plus authentiques. La terre lui paraît encore divisée en royaumes qui se font la guerre ; il semble ignorer la « paix romaine », et l’état nouveau de société qu’inaugurait son siècle. Il n’eut aucune idée précise de la puissance de l’Empire ; le nom de « César » seul parvint jusqu’à lui. Il vit bâtir, en Galilée ou aux environs, Tibériade, Juliade, Diocésarée, Césarée, ouvrages pompeux des Hérodes, qui cherchaient, par ces constructions magnifiques, à prouver leur admiration pour la civilisation romaine et leur dévouement envers les membres de la famille d’Auguste, dont les noms, par un caprice du sort, servent aujourd’hui, bizarrement altérés, à désigner de misérables hameaux de Bédouins. Il vit aussi probablement Sébaste, œuvre d’Hérode le Grand, ville de parade, dont les ruines feraient croire qu’elle a été apportée là toute faite, comme une machine qu’il n’y avait plus qu’à monter sur place. Cette architecture d’ostentation, arrivée en Judée par chargements, ces centaines de colonnes, toutes du même diamètre, ornement de quelque insipide « rue de Rivoli », voilà ce qu’il appelait « les royaumes du monde et toute leur gloire ». Mais ce luxe de commande, cet art administratif et officiel lui déplai-