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plus souvent, dans ce cas, j’ai ajouté en note les textes ou les considérations qui m’ont empêché de changer d’avis, ou bien, par quelque léger changement de rédaction, j’ai tâché de montrer où était la méprise de mes contradicteurs. Quoique très-concises et ne renfermant guère que l’indication des sources de première main, mes notes suffisent toujours pour montrer au lecteur instruit les raisonnements qui m’ont guidé dans la composition de mon texte.

Pour me disculper en détail de toutes les accusations dont j’ai été l’objet, il m’eût fallu tripler ou quadrupler mon volume ; il m’eût fallu répéter des choses qui ont déjà été bien dites, même en français ; il eût fallu faire de la polémique religieuse, ce que je m’interdis absolument ; il eût fallu parler de moi, ce que je ne fais jamais. J’écris pour proposer mes idées à ceux qui cherchent la vérité. Quant aux personnes qui ont besoin, dans l’intérêt de leur croyance, que je sois un ignorant, un esprit faux ou un homme de mauvaise foi, je n’ai pas la prétention de modifier leur avis. Si cette opinion est nécessaire au repos de quelques personnes pieuses, je me ferais un véritable scrupule de les désabuser.

La controverse, d’ailleurs, si je l’avais entamée, aurait dû porter le plus souvent sur des points étrangers à la critique historique. Les objections qu’on m’a adressées sont venues de deux partis opposés. Les unes m’ont été adressées par des libres penseurs ne croyant pas au surnaturel[1] ni par conséquent à l’inspiration des livres saints, ou par des théologiens de l’école protestante libérale arrivés à une notion

  1. J’entends toujours par ce mot « le surnaturel particulier », l’intervention de la Divinité en vue d’un but spécial, le miracle, et non « le surnaturel général », l’âme cachée de l’univers, l’idéal, source et cause finale de tous les mouvements du monde.