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rances de la nation. Jésus partageait le goût de tout le monde pour ces interprétations allégoriques. Mais la vraie poésie de la Bible, qui échappait aux puérils exégètes de Jérusalem, se révélait pleinement à son beau génie. La Loi ne paraît pas avoir eu pour lui beaucoup de charme ; il crut pouvoir mieux faire. Mais la poésie religieuse des Psaumes se trouva dans un merveilleux accord avec son âme lyrique ; ces hymnes augustes restèrent toute sa vie son aliment et son soutien. Les prophètes, Isaïe en particulier et son continuateur du temps de la captivité, avec leurs brillants rêves d’avenir, leur impétueuse éloquence, leurs invectives entremêlées de tableaux enchanteurs, furent ses véritables maîtres. Il lut aussi sans doute plusieurs des ouvrages apocryphes, c’est-à-dire de ces écrits assez modernes, dont les auteurs, pour se donner une autorité qu’on n’accordait plus qu’aux écrits très-anciens, se couvraient du nom de prophètes et de patriarches. Le, livre de Daniel surtout le frappa[1]. Ce livre, composé par un Juif exalté du temps d’Antiochus Épiphane, et mis par lui sous le couvert d’un ancien sage[2], était le résumé de l’esprit

  1. Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14
  2. La légende de Daniel était déjà formée au viie siècle avant J.-C. (Ézéchiel, xiv, 14 et suiv. ; xxviii, 3). Plus tard, on supposa qu’il avait vécu au temps de la captivité de Babylone.