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et les termes techniques du nouveau messianisme, et on peut lui appliquer ce que Jésus disait de Jean-Baptiste : « Jusqu’à lui, les prophètes ; à partir de lui, le royaume de Dieu. » Peu d’années après, les mêmes idées se reproduisaient sous le nom du patriarche Hénoch[1]. L’essénisme, qui semble avoir été en rapport direct avec l’école apocalyptique, naissait vers le même temps[2], et offrait comme une première ébauche de la grande discipline qui allait bientôt se constituer pour l’éducation du genre humain.

Il ne faut pas croire cependant que ce mouvement, si profondément religieux et passionné, eût pour mobile des dogmes particuliers, comme cela a eu lieu dans toutes les luttes qui ont éclaté au sein du christianisme. Le juif de cette époque était aussi peu théologien que possible. Il ne spéculait pas sur l’essence de la Divinité ; les croyances sur les anges, sur les fins de l’homme, sur les hypostases divines, dont le premier germe se laissait déjà entrevoir, étaient des croyances libres, des méditations auxquelles chacun se livrait selon la tournure de son esprit, mais dont une foule de gens n’avaient pas entendu parler. C’étaient même les plus orthodoxes

  1. Voir Introd., p. xlii-xliii.
  2. La première mention certaine des esséniens se trouve vers l’an 106 avant J.-C. Jos., Ant., XIII, xi, 2 ; B. J., I, iii, 5.