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malgré sa persistance à annoncer qu’il serait un jour la religion du genre humain, avait eu le caractère de tous les autres cultes de l’antiquité : c’était un culte de famille et de tribu. L’Israélite pensait bien que son culte était le meilleur, et parlait avec mépris des dieux étrangers. Mais il croyait aussi que la religion du vrai Dieu n’était faite que pour lui seul. On embrassait le culte de Jéhovah quand on entrait dans la famille juive[1] ; voilà tout. Aucun Israélite ne songeait à convertir l’étranger à un culte qui était le patrimoine des fils d’Abraham. Le développement de l’esprit piétiste, depuis Esdras et Néhémie, amena une conception beaucoup plus ferme et plus logique. Le judaïsme devint la vraie religion d’une manière absolue ; on accorda à qui voulut le droit d’y entrer[2] ; bientôt ce fut une œuvre pie d’y amener le plus de monde possible[3]. Sans doute, le généreux sentiment qui éleva Jean-Baptiste, Jésus, saint Paul, au-dessus des mesquines idées de races n’existait

  1. Ruth, i, 16.
  2. Esther, ix, 27.
  3. Matth., xxiii, 15 ; Josèphe, Vita, 23 ; Bell. Jud., II, xvii, 10 ; VII, iii, 3 ; Ant., XX, ii, 4 ; Horat., Sat., I, iv, 143 ; Juv., xiv, 96 et suiv. ; Tacite, Ann., II, 85 ; Hist., V, 5 ; Dion Cassius, XXXVII, 17. On affranchissait souvent des esclaves, à condition qu’ils resteraient juifs. Lévy (de Breslau), Epigraphische Beyträge zur Gesch. der Juden, p. 299 et suiv.