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viennent, à travers mille transformations, d’Égypte et de Syrie sont des formes extérieures sans beaucoup de conséquence, ou des scories telles que les cultes les plus épurés en retiennent toujours. Le grand défaut des religions dont nous parlons était leur caractère superstitieux ; ce qu’elles jetèrent dans le monde, ce furent des millions d’amulettes et d’abraxas. Aucune grande pensée morale ne pouvait sortir de races abaissées par un despotisme séculaire et accoutumées à des institutions qui enlevaient presque tout exercice à la liberté des individus.

La poésie de l’âme, la foi, la liberté, l’honnêteté, le dévouement, apparaissent dans le monde avec les deux grandes races qui, en un sens, ont fait l’humanité, je veux dire la race indo-européenne et la race sémitique. Les premières intuitions religieuses de la race indo-européenne furent essentiellement naturalistes. Mais c’était un naturalisme profond et moral, un embrassement amoureux de la nature par l’homme, une poésie délicieuse, pleine du sentiment de l’infini, le principe enfin de tout ce que le génie germanique et celtique, de ce qu’un Shakspeare, de ce qu’un Gœthe devaient exprimer plus tard. Ce n’était ni de la religion, ni de la morale réfléchies ; c’était de la mélancolie, de la tendresse, de l’imagination ; c’était par-dessus tout du sérieux, c’est-à-