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Je prie les personnes qui trouveront que j’ai accordé une confiance exagérée à des récits en grande partie légendaires, de tenir compte de l’observation que je viens de faire. À quoi se réduirait la vie d’Alexandre, si on se bornait à ce qui est matériellement certain ? Les traditions même en partie erronées renferment une portion de vérité que l’histoire ne peut négliger. On n’a pas reproché à M. Sprenger d’avoir, en écrivant la vie de Mahomet, tenu grand compte des hadith ou traditions orales sur le prophète, et d’avoir souvent prêté textuellement à son héros des paroles qui ne sont connues que par cette source. Les traditions sur Mahomet, cependant, n’ont pas un caractère historique supérieur à celui des discours et des récits qui composent les Évangiles. Elles furent écrites de l’an 50 à l’an 140 de l’hégire. Quand on écrira l’histoire des écoles juives aux siècles qui ont précédé et suivi immédiatement la naissance du christianisme, on ne se fera aucun scrupule de prêter à Hillel, à Schammaï, à Gamaliel, les maximes que leur attribuent la Mischna et la Gemara, bien que ces grandes compilations aient été rédigées plusieurs centaines d’années après les docteurs dont il s’agit.

Quant aux personnes qui croient, au contraire, que l’histoire doit consister à reproduire sans inter-