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Il me serait presque indifférent, si je ne savais qu’il fait la joie de celle en qui se concentre toute mon affection la plus vive.

Ton frère et ami,

E. R.


MADEMOISELLE RENAN
chez Mme ta comtesse Zamoyska, Attmark, 2, Dresde (Saxe).


Paris, 3 mai 1847.

Elle s’achève, chère Henriette, cette journée que nous attendions depuis si longtemps, et qui laissera dans ma vie de si durables souvenirs. J’en consacre les dernières heures à en causer avec toi ; car au milieu de toutes les satisfactions qu’elle m’a procurées, un grand vide s’est fait sentir à mon coeur. Tu me manquais, chère amie, bien que je trouvasse autour de moi dans cette vaste salle des visages connus et amis, je m’y croyais seul, du moment où tu en étais absente. J’y voyais ta place à côté de moi, et je songeais combien ma joie eût été augmentée de la tienne. C’était la première fois, bonne amie, que j’assistais à un de ces brillants tournois littéraires, où toutes nos sommités intellectuelles viennent se donner en spectacle à un public raffiné et avide des jouissances de l’esprit. J’ai été frappé beaucoup moins de l’appareil extérieur, du cérémonial tout antique qui préside à ces solennités, que du ton exquis qui y règne dans les acteurs