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MADEMOISELLE RENAN
chez Mme ta comtesse Zamoyska, Attmark, 2, Dresde (Saxe).


[Timbre de la poste, 23 avril 1847.]

J’aurais désiré attendre à te répondre, bonne amie, que la séance du 3 mai eût eu lieu, afin de t’en communiquer les détails. Mais mademoiselle Ulliac a voulu te répondre immédiatement, et aussi bien j’aurais craint moi-même qu’en attendant à cette époque, ma lettre ne t’eût plus trouvée à Dresde. Néanmoins, il est probable que je hasarderai encore quelques mots vers cette date, surtout s’il s’y passe quelque incident important. Je vois avec effroi approcher le moment où tu te rapprocheras de ce malheureux pays. Les détails que tu nous transmets m’ont fait frémir, quand je songeais que quelques lieues seulement allaient te séparer de ces cannibales. Oui, bonne amie, il faut ton dévouement pour te résigner à un pareil sacrifice, surtout quand ceux qui t’entourent font si peu pour l’adoucir. J’ai besoin de songer souvent aux promesses que tu nous fais relativement à tous les dangers éventuels, pour me rassurer sur une si alarmante position. Inutile, bonne amie, de te répéter à ces égards mes supplications. Tu as compris que c’était de la prudence la plus vulgaire, et que le dévouement cesserait d’en être dans une pareille circonstance.

Rien de bien important, bonne amie, ne s’est