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ments dont j’ai besoin pour les passages des auteurs allemands que je suis obligé de consulter pour mon travail, et dont la pensée abstruse et compliquée ne laisse pas quelquefois de m’embarrasser.

Je serai obligé de me confiner si étroitement pour mon travail jusqu’au mois de mars que jusque-là je ne pourrai guère étendre le cercle de mes relations extérieures. Aussi bien je préfère attendre pour me produire plus avant que j’aie à présenter quelque titre honorable. Je serai également obligé, chère amie, de me condamner avec toi à un laconisme, qui m’est bien pénible, lorsque j’aurais tant de choses dont je voudrais m’entretenir avec toi. Mais tu sais que ni l’un ni l’autre nous ne pouvons prendre nos désirs pour règles de notre conduite, trop heureux encore d’entrevoir une issue à ce pénible état. Tant d’autres sont plus à plaindre et le sont sans espérance. La seule pensée qui m’afflige est de songer aux cruels sacrifices que tu es obligée de t’imposer pour moi et pour les tiens. Sois bien persuadée, bonne amie, que les raisons les plus graves pourront seules me décider à prolonger un état si pénible pour toi. Mais serait-ce bien calculer que d’accepter à mon âge une de ces positions qu’on peut appeler avantageuses pour le présent, mais qui n’ont presque pas d’avenir, et qui d’ailleurs nous fournirait à peine les moyens de mener une vie convenable ? Il est bien dur, chère amie, d’être obligé de répéter