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MADEMOISELLE RENAN.


Padoue, 5 juin 1850.

Je suis bien inquiet, ma chère amie, du long retard que ta réponse à ma première lettre de Venise met à me parvenir. D’après mes calculs, il y a longtemps que j’aurais dû l’avoir reçue. Comme à Padoue, je serai aussi bien qu’à Venise en position pour obéir à tes ordres, j’ai pris je parti de m’y rendre, et voilà déjà près de deux jours que j’habite cette docte ville. J’ai pris les précautions les plus rigoureuses pour que toutes les lettres qui m’arriveront à Venise m’y soient envoyées. J’ai éprouvé quelque regret après t’avoir écrit ma dernière lettre. J’ai craint que tu ne visses dans le souhait tout naturel d’être réuni à toi le plus tôt possible, un désir de ma part auquel tu ne voulusses condescendre au préjudice de ta santé. Je ne sais si je l’ai dit assez fortement que la prédilection que j’ai pour notre réunion immédiate ne doit tenir en aucune manière devant la considération de ta santé. Quelquefois j’ai craint de te voir sacrifier cet intérêt capital à une prétendue économie (que je ne crois pas réelle) et à l’appréhension plus mal fondée encore de me causer un double dérangement. Tout cela m’a un peu inquiété, et, quelque désir que j’éprouve de te revoir le plus