Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

légende n’a rien inspiré, L’église est du plus détestable mauvais goût : en pensant la faire belle, ils l’ont faite riche. Ils auront beau faire : leur Santa-Casa ne sera jamais qu’un gros mensonge doré. Ce pays est charmant pourtant ; chaque colline est couronnée par une petite ville avec ses remparts, offrant les plus gracieux profils. Ancône a de beaux monuments byzantins et fait déjà pressentir Ravenne. D’Ancône à Ravenne, autre vetturino : on suit constamment l’Adriatique, dont les bords sont fort insignifiants. Pas un rocher, pas une grève, pas une vague un peu blanchissante, pas une baie ou un promontoire un peu caractérisé : toujours le bord monotone d’un étang. Oh ! en fait de mer, rien ne vaut notre Océan. Sur ce point-là, je n’entends pas raison. A Pesaro, on commence à trouver l’influence des Cours lettrées du xve et du xvie siècle, de ces petits princes, mélange bizarre du tyran et du civilisateur. Ici et à Urbin, les la Rovère, à Rimini les Malatesta. L’église san Francesco de Rimini, bâtie par Pandolphe, ornée en guise de saints des divinités correspondant aux douze signes du zodiaque, et portant au-dessus de chaque autel le chiffre de Sigismond et de la belle et docte Iseult, est inappréciable. Nulle part le paganisme de cette époque ne s’est plus franchement exprimé. La route de Rimini à Ravenne, peu fréquentée, est fort curieuse : on voyage au milieu d’immenses lagunes ; à droite la célèbre Pineta forme un sombre et funèbre