Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étouffe la beauté morale. Pourquoi ces rudes efforts, cette poursuite acharnéo ? cogliamo la rosa, c’est bien plus facile. Lamartine a divinement exprimé cela dans ses Nouvelles Méditations, toutes faites sous l'influence napolitaine (Ischia, Élégie :

Cueillons, cueillons la rose au matin de la vie.


Tristesse :

Ramenez-moi, disais-je, au fortuné rivage…
Combien de fois sur le rivage
Où Nisida dort sur les mers…


Chant d’amour :

Si tu pouvais jamais égaler, à ma lyre…

Ce n’est pas là ma manière : ce pays excite en moi une grande réaction morale, et me passionne surtout pour Rome. Maintenant que cette ville est dans le lointain, elle m’apparait toute divine. Oui, à cette coquette Parthénope, couchée comme une belle endormie sur le bord de son lac, à l’ombre de ses orangers, je préfère ma vieille nmtrone romaine, avec ses rides et sa tristesse séculaire. Avec quelle joie je la reverrai dans quelques jours !

Qu'ai-je fait, chère amie ? je viens de t’écrire quatre pages de mauvaise humeur, et à peine me reste-t-il de l’espace pour te parler des enchantements de ce pays, et de cette chaîne de lieux célèbres ou charmants qui sont groupés autour de cette baie incomparable. J’ai vu Pouzzoles, Baïa, le cap Misène, Cumes, l’antre de la Sibylle, le lac Averne, le lac Lucrin, Ischia, Procida,