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ne me sont pas tolérables. Ma santé n’est pas mauvaise, chère amie, cependant le moindre dérangement suffit pour l’altérer. Mon estomac surtout est détestable, et sans me causer jamais de grave indisposition, m’accuse immédiatement la plus légère dérogation à mon régime. Le travail après les repas commence à me devenir impossible. Certes, je suis loin de te dire, chère amie, que ma santé soit altérée, mais tu conçois pourtant que cette vie nomade, celle pension de restaurant si artificielle, si irritante, n’est pas ce qu’il me faut. En outre, cette vie est à elle seule presque aussi dispendieuse que le serait celle de deux personnes. Les frais de mon entretien, par exemple, sont, j’en suis sûr, aggravés au moins d’un tiers par mon inexpérience du prix réel des choses, et le mauvais parti que je sais tirer de mes effets. Enfin, ma chère amie, cette vie m’est réellement préjudiciable sous tous les rapports. Je ne parle pas de ce qu’elle a de pénible, pour moi surtout qui me lie si peu, et ne peux jamais nie résoudre à nouer de ces relations vulgaires, qui trompent la solitude de la vie. Tu reviendras, n’est-ce pas, ma bonne Henriette ? Ce moment-ci eût été, je le répète, plus commode. Mais n’importe, pourvu qu’il ne s’agisse bien certainement que d’un retard de quelques mois.

Je suis donc de retour à Paris. Outre la raison de l’éventualité d’un prochain départ, Versailles cessait de m’offrir des ressources suffisantes pour mon travail. J’ai une foule de vérifications qui