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à Versailles eût pu en effet être une cause de retard, surtout à cause de l'intention que j’avais de prévenir plusieurs personnes de mon voyage. J’avais d’ailleurs d’autres raisons que je te dirai tout à l’heure. Et voilà que cette fois encore tu trompes nos espérances, et tu échappes à nos prières ! Pauvre amie, que tu me fais peine ! Au moins, cette fois, il me reste l’espérance ; car j’ai conclu de tout ce que tu dis, chère Henriette, que tu consens enfin au retour avant l’hiver. Sans doute, si le choléra avait en effet disparu de Varsovie, s’il était vrai surtout qu’il fût très grave dans les lieux intermédiaires que nous devrions traverser, je concevrais un retard de quelques mois, pour tout arranger dans la famille que tu dois quitter. Mais si la maladie continuait encore ses ravages, aucune raison ne devrait tenir. Un mois par ce temps d’épidémie offre plus de dangers qu’une année de séjour en temps ordinaire. Je me fie sur ce point à ton jugement, chère amie ; mais ce à quoi je tiens par-dessus tout, c’est qu’il soit bien convenu que l’automne ne se passera pas sans que tu sois de retour parmi nous.

Avec quelle joie je t’ai entendu dire que la maladie de madame Gaugain déterminerait ton retour ! Ajouterai-je à ces motifs, chère sœur, les considérations tirées de mon propre avantage ? Quelque position que j’occupe l’an prochain, il n’est pas probable que je vive comme par le passé  ; dès lors, une foule de soins essentiels, où je suis complètement inexpert, et les nécessités de la vie