Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même avec moins de suites fâcheuses que les autres. L’action a été si faible que la réaction se fait à peine sentir. Paris, que je viens de quitter, a repris ou plutôt n’a pas perdu un moment sa physionomie habituelle, on parle à peine de ce ridicule avortement, et, n’étaient les exploits des braves gardes nationaux de la première légion contre les presses, celle-ci pourrait s’appeler la victoire sans larmes. Quant aux imbéciles qui ont donné dans ce panneau, c’étaient des fous, le fait le prouve ; il ne faut donc pas le regretter. — Le choléra préoccupe beaucoup plus. Il sévit assez fortement depuis quelques jours ; mais il semble avoir atteint le terme de sa période d’accroissement, et même commencer à décroître. Le maximum a été de sept cents par jour. Je te dis tout ceci sans crainte de t’effrayer, chère amie ; car il n’y a pas eu à Versailles un seul cas qui appartienne précisément à cette ville ; en 1832 d’ailleurs, cette ville avait été à peu près exempte du fléau. Aussi s’y est-il opéré une vraie immigration de Paris. Tout y est comble, et l’Assomblée Nationale entre autres semble s’y être transportée au complet.

M. Bersot est arrivé depuis trois jours. Il m’avait fait demander s’il ne me contrarierait pas en dépassant un peu les limites de son congé ; à quoi je me suis hâté de répondre conformément à son désir. Je suis encore néanmoins à Versailles, et je suis bien tenté d’y rester encore quelques jours. J’ai pris une chambre à l’étage supérieur de la