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politique, qu’il n’y a plus rien à faire dans ce monde épuisé, que le remède viendra d’ailleurs. Évidemment la politique a fait tout ce qu’elle pouvait faire, nous avons la mesure de sa capacité ; n’espérons pas trouver des hommes plus habiles que M. Guizot ou M. Thiers, un chef de l’État plus avisé que Louis-Philippe. Eh bien ! les voilà tous déclarés impuissants. Ce n’est pas leur faute, c’est la faute du temps, et des besoins terribles qui s’agitent dans l’humanité, sans trouver à se satisfaire. La révolution à faire n’est pas politique ; elle est religieuse et morale. La politique n’est plus qu’une vaine agitation, une affaire de coteries et de partis, d’où ne peut venir le salut. La plus haute question de la politique est celle-ci : qui sera ministre ? Grand Dieu ! peut-on croire après tant d’expériences, qu’un changement de plus guérira le mal ! Évidemment il n’y a que des esprits étroits ou des intrigants qui puissent s’y laisser prendre. Voyez les philosophes du xviiie siècle : ceux-là assurément ont changé la face du monde ; se sont-ils mêlés de politique ? Nullement. Ils ont laissé la politique mourir en s’agitant inutilement dans son cercle épuisé, et pendant ce temps, ils jetaient les fondements d’un nouveau monde. Que sont maintenant Fleury, Choiseul, Richelieu, Maupeou, auprès de Voltaire, Rousseau, Montesquieu, je ne dis pas seulement au point de vue littéraire ou philosophique, mais au point de vue de l’action qu’ils ont opérée sur le monde ? Qu’est-ce que la guerre de Sept ans