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qui n’eût pas déjà échoué, et mon succès est regardé comme une exception honorable. Adieu, chère amie. Sois bien persuadée que la joie que je ressens de ces bonnes nouvelles n’est si vive que parce que je songe que tu la partages. Je m’estime heureux quand je songe que je puis causer quelque douceur à celle à qui je dois tant ! Adieu, tu connais ma tendresse.

Ton frère et ami,

E. RENAN.


MADEMOISELLE RENAN,


Paris, 24 novembre 1846.

J’ai reçu presque consécutivement, chère amie, tes trois dernières lettres, qui m’ont causé un extrême plaisir. Mieux que toute autre, tu dois comprendre de quel prix est, durant la séparation, une correspondance fréquente et amie. J’en avais besoin, chère Henriette, au moment où je savais ta santé encore ébranlée de la dernière secousse. Je pense que tu ne cherches pas à nous rassurer par une de ces illusions qui sont toujours un si mauvais calcul, alors même qu’on le fait par amitié. Qu’avec moi, du moins, chère amie, tu n’uses point de ces réticences qui me donneraient de si cruelles inquiétudes et pourraient avoir de si terribles résultats ! J’ai besoin de croire à ta parfaite sincérité sur ce point pour continuer à marcher tranquillement vers le but de nos efforts par les voies dont nous sommes convenus.