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d’autant plus que je ne tiens pas de cœur à cet essai comme à mon ouvrage sur les langues sémitiques. Si je peux éviter la province pour quelques années, assurément ce sera là, je crois, le meilleur moyen d’utiliser ce temps d’attente. Que dis-tu de ce plan ? Mais tu vois qu’il est de rigueur pour cela de rester à Paris cette année. Ce n’est pas certes sans y avoir sérieusement réfléchi que je m’y suis déterminé, tant les positions y sont précaires par suite des circonstances où nous sommes. Mais il faut risquer quelque chose : je ne pouvais en aucune façon achever mes thèses en province, et en supposant même (ce que j’ai peine à croire) que j’eusse pu obtenir ce que me disait M. Guigniaut, il m’eût été pénible d’ajourner ce travail. — Le rapport de M. Ozaneaux n’est pas encore imprimé. — J’ai touché les deux mille francs de l’Institut, et les ai déposés chez Alain. Excellente amie, je t’épargne tous les détails, j’aurais tant à te dire. Mais la tristesse où m’a plongé ta lettre ne me permet qu’une pensée. Faudra-t-il, grand Dieu ! rester quinze jours en cet état, jusqu’à ta prochaine lettre ! Oh ! mon Henriette chérie, que nous aurons chèrement acheté les jours de repos et de calme, si tant est que la Providence nous les destine. Pense à moi, ne me cache rien, aime-moi toujours.

E. RENAN.