Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demment baisser proportionnellement en toute chose en France.

Et la science, qui, avec l’affection des personnes qui me sont chères, fait tout le fond de ma vie, que va-t-elle devenir ? Ah ! certes, si je croyais que ces révolutions dussent lui faire tort, je ne le leur pardonnerais pas. Mais je suis loin de le penser. Sans doute les mauvais jours que nous traversons lui seront préjudiciables comme a tout le reste, mais elle ne pourra que gagner ultérieurement a un posé plus vrai de la condition humaine. La bourgeoisie la cultivait avec goût comme un passe-temps ou une curiosité, mais non comme un moyen philosophique, comme un besoin sérieux de notre nature. M. Cousin, par exemple, cet homme si éminent, que j’admire presque autant que ses disciples, est-il autre chose qu’un curieux de philosophie ? M. Villemain est-il autre chose qu’un curieux de littérature ? Je n’entends point faire une critique ; ces hommes ont une finesse d’aperçus à laquelle notre génération atteindra à peine. Mais la grande et profonde inspiration, la conviction élevée leur manque. Ce sont des surfaces qui se superposent, en se reflétant la lumière par mille jeux divers et agréables. Percez au delà, vous trouverez le vide du scepticisme.

Quant aux inquiétudes que tu as pu concevoir pour ma conduite au milieu de ces orages, sois parfaitement rassurée. Voici au clair et au net les principes dont je ne m’écarterai jamais. 1° Ne prendre le fusil pour aucun parti, lors même que