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MADEMOISELLE RENAN
chez Mme ta comtesse Zamoyska, Attmark, 2, Dresde (Saxe)


Paris, 23 octobre 1846.

Bonne nouvelle, chère amie. Je suis licencié depuis quelques heures, et cela dans un rang fort honorable. Laisse-moi me délasser de ces longues et pénibles épreuves, en l’on faisant le récit, ou pour mieux dire le journal. Tu ne saurais croire de quel poids je me sens délivré, et dans quelles angoisses j’ai passé ces derniers jours. Car je voyais qu’il y avait des inconvénients fort sérieux à n’être pas reçu, et j’ai cru un instant en avoir la fatale certitude. Reprenons.

La préparation à laquelle j’avais pu me livrer durant les vacances était loin de m’avoir satisfait, et je balançai longtemps si je ne différerais pas à une autre session une épreuve si difficile. Plusieurs même, à qui je fis part de mes craintes, m’engagèrent, si je voulais être reçu immédiatement, à aller passer mon examen dans quelque faculté de province, où il est infiniment plus facile. On me cita des noms célèbres dans la philosophie, entre autres M. Vacherol, directeur de l’École Normale, qui n’avaient jamais pu parvenir autrement au titre nécessaire pour l’agrégation, et je t’avoue que j’ai longtemps balancé ce parti. Je n’y ai renoncé qu’a cause des longues formalités qu’il eût entraînées. Quel bonheur, chère amie, et