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que je me demande encore si, au point de vue de mon intérêt, je dois regretter ou accueillir avec joie ce qui s’est fait. — M. Jacques n’est pas nommé, ainsi que je le prévoyais ; je n’ai donc que les suppléances éventuelles ; mais elles sont assez fréquentes. — Notre frère ne m’écrit guère ; mais, d’après les lettres de notre mère, il ne souffrirait que de la cessation absolue des affaires. Depuis quelques jours, tout reprend vie, la Bourse est bonne ; je pense qu’il en est de même au fond de notre province. Excellente amie, ne t’inquiète pas trop pour nous, et songe davantage à toi-même. Je ne suis pas encore content de ta dernière lettre ; tu ne dis pas assez catégoriquement qu’un danger seulement probable suffirait pour déterminer ton départ. Au nom du ciel, songe à moi, songe a nous tous. Adieu, excellente sœur. L’heure me presse, j’ai déjà tardé d’un jour, et je crains même d’être encore aujourd’hui en retard. J’aurais eu pourtant bien des réflexions à te communiquer sur ta dernière lettre, et des protestations sur les éventualités que tu y supposais sur ma vie à venir. Non, chère amie, si tu ino manquais, ma vie serait à jamais solitaire. Quelle autre au monde que toi, comprendrait mes goûts, mon caractère, mes pensées ? Toi seule, et pour toujours, délicieuse amie,

E. RENAN.