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vingt-cinq degrés au-dessous de zéro, et cela pendant si longtemps ! Il y a plus de deux mois que le thermomètre n’a pas été à moins de dix degrés, et plus de trois que, sans interruption, la glace n tout envahi. Oh ! que Dieu éloigne de toi et de notre patrie de pareilles calamités, qui sont ici toutes naturelles ! — Remets, je te prie, l’envoi ci-inclus à mademoiselle Ulliac, et prie-la de m’excuser si je ne réponds pas aujourd’hui à son affectueuse et bonne lettre. Non seulement le temps me manque complètement pour le faire ; mais l’espace aussi m’oblige de finir. Je ne pourrais rien ajouter à ce courrier sans m’exposer à payer douze ou quinze francs à la poste exigeante en l’on dépose mes lettres. Depuis mon retour, on me fait payer des prix si exorbitants pour les lettres que je fais partir, qu’il m’eût fallu prendre la triste résolution d’écrire moins souvent si nous n’étions pas allés à Varsovie. À l’occasion du premier de l’an, on m’a remis un mêmoire qui m’a consternée ; heureusement qu’où nous allons, c’est un peu moins exagéré.

J’envoie vers toi, ami excellent et apprécié, les plus affectueux, les plus fréquents souvenirs. Redis pour moi mille tendresses à notre mère. Tu es presque le seul, mon Ernest, qui me donnes des nouvelles de notre famille ; de Saint-Malo je n’en reçois que très rarement. Je comprends au reste, que maman devienne paresseuse à écrire. — Adieu, ami, adieu ! Tu es la joie, l’orgueil,