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pour le concours supérieur d’agrégation auquel M. Garnier te conseillait de te présenter ! Il s’agit ici de choses si délicates, si difficultueuses, que je ne puis même l’aider du plus léger conseil. Pauvre Ernest ! comprendras-tu ce qui se passe en moi quand je te vois triste, découragé, retombant sur toi-même, et que je sens l’impossibilité de te relever par un avis positif et éclairé ! je n’ai à t’offrir qu’une amitié inaltérable, et que cette amitié est souvent stérile, malgré tous mes efforts ! — Il me semble peu probable ; cher ami, qu’en un concours si important on accorde une dispense, même momentanée, du grade de docteur, ceci serait alors un obstacle matériel. Tu le sais peut-être maintenant. — Sûre de la prudence et de la raison que tu mets a décider toute chose, je ne le fais qu’une recommandation, mon bien bon Ernest ; c’est de songer quelque peu à ta santé et a tes forces, et de ne pas entreprendre au delà de ce qui est humainement possible. S’il faut attendre un peu plus, sachons le faire, quoique ce soit bien douloureux, mais n’exposons pas ce qui est si nécessaire et qui ne se retrouve jamais une fois détruit. Pense, ami, pense quelquefois à mes craintes pour tempérer ton courage. — Je n’ai pas besoin de te dire, cher Ernest, que recevoir tes lettres est ma plus vive, presque exclusivement ma seule joie. Je ne veux pourtant point la ressentir, cette satisfaction chère et désirée, aux dépens de tes forces et de ta vie. Ne m’écris donc point, mon bon et pré-