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envers moi l’ingratitude de t’en refuser. — J’ai aussi pensé, mon bon ami, que, sur cette somme, il serait peut-être possible d’acheter le dictionnaire sanscrit qui te serait utile (ce dictionnaire de trois cents francs). Pourquoi non, mon Ernest, si cela peut t’épargner quelques travaux et donner quelque allégement à mes inquiètes sollicitudes ? — Je m’épouvante à la pensée des études si diverses que tu entreprends à la fois ; les alléger en quelque chose serait pour moi une si douce consolation ! Encore une fois, ne me refuse pas, mon bon ami, comme tu l’as fait pour la demande que t’adressait ma dernière lettre. Les joies sont clairsemées dans ma vie, ne me prive pas de celle-ci qui sera si bien goûtée ! — Au reste, je n’insiste plus, étant bien décidée à agir sans attendre ta réponse, ce sera pour moi le plus sûr moyen de remporter la victoire.

Les diverses et nombreuses vicissitudes d’espérance et de déceptions par où tu viens de passer, très cher ami, la tristesse que ces cruels mécomptes t’imposent, m’affligent profondément. Oui, l’expérience des choses de ce monde est rude et épineuse ! mais pourquoi faut-il que tu le saches déjà ? — Il paraît que le ministre en question n’a pas oublié ce qu’on appelait jadis l’eau bénite de cour, et que sa dernière promesse n’était pas autre chose. C’est triste à penser et à dire, mais je crois qu’il faut envisager la nécessité d’espérer ailleurs et par conséquent d’espérer différemment. — Qu’as-tu résolu, très cher ami,