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Il est donc avantageux de profiter des premières et jeunes années, où nul respect humain ne peut arrêter. D’ailleurs qui sait jusqu’à quand je pourrai disposer ainsi librement de mes heures ? Ma grande maxime, c’est de profiter du moment, pour parer à toutes les éventualités de l’avenir.

M. Garnier m’a procuré, il y a quelques jours, une jouissance des plus délicates en me faisant dîner et passer la soirée avec les hommes les plus distingués, MM. Patin, Saint-Marc Girardin et plusieurs autres, dont la conversation fine et animée m’a ravi. M. Saint-Marc Girardin, surtout, est encore plus spirituel en société qu’à son cours. Il a été question de mes thèses et on les a trouvées fort bien choisies. Le sujet de la thèse française a plu surtout à M. Saint-Marc.

Parlons maintenant économie domestique. Maman m’a parlé du nouvel arrangement, et en a paru sincèrement très contente. Et a vrai dire, chère amie, il n’en pouvait être autrement. Il semble que tu cherches, excellente sœur, à te disculper, quand tu parles de ces choses. Mais, ma pauvre Henriette, nous sommes tous de ton avis ; ce que tu dis, c’est le simple bon sens, et il faudrait être bien malheureux pour ne pas le comprendre. Jamais, je t’assure, je n’ai vu dans ta conduite à cet égard que la prudence et la raison même. Il est trop évident que l’ordre et l’entente étaient la condition nécessaire pour ne point faire de folies, et je me réjouis de voir établi un système qui concilie toute chose. Crois