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pour moi singulièrement restreint par ces trois conditions très limitantes : 1° de prendre un sujet dans la région de mes études orientales ; 2° de le faire pourtant accessible à la Faculté, qui ne s’occupe que d’études classiques, et de le prendre par conséquent limitrophe entre l’Orient et la Grèce ; 3° de ne pas choquer trop ouvertement l’orthodoxie. Sur ce dernier point tous se sont réunis à me recommander les précautions extérieures, surtout au moment où nous sommes, bien qu’ils m’aient avoué en particulier que pour le fond même, je n’aurais sur ce point à combattre aucun des membres de la Faculté, si ce n’est un seul, qui encore est assez tolérant pour ne voir en cela qu’une différence d’opinion. Je veux m’expliquer encore une fois avec M. Garnier et M. Le Clerc de ce que je veux mettre dans la périlleuse thèse précitée, pour qu’ils jugent si cela peut échapper à la censure, je ne dirai pas de la Faculté, celle-là, j’ai peu à la redouter, mais à une autre bien plus terrible et a laquelle rien de nos jours ne saurait échapper. — je ne puis te dire, chère amie, quelle exaspération il y a en ce moment dans le corps universitaire et surtout chez les professeurs de philosophie que l’on veut sacrifier pour tous les autres, contre les nouvelles mesures et tout l’esprit qui conduit en ce moment l’administration de l’Instruction Publique. Les professeurs de philosophie de Paris ont envoyé une réclamation au ministre, et elle a été fort mal reçue.