Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bric-à-brac, des petites manies du curieux. M. Mariette emploie des mois, occupe des centaines d’ouvriers pour trouver une stèle, dont les savants seuls peuvent comprendre l’importance. À peine se détourne-t-il pour recueillir ces objets d’apparat dont le badaud s’émerveille. Il s’est imposé surtout pour loi absolue de ne jamais enrichir son musée aux dépens des monuments. Tandis que la collection égyptienne de Berlin, par exemple, a été formée en portant la scie et la hache dans de précieux monuments qui n’offrent plus, depuis le passage de M. Lepsius, que l’aspect de la destruction, l’inappréciable musée du Caire n’a pas amené la démolition d’un seul édicule. On s’est borné à prendre les objets détachés et qu’on ne pouvait songer à laisser sur place. Il faut louer hautement le gouvernement égyptien de la droiture d’esprit dont il a fait preuve en tout cela. Non-seulement Saïd-Pacha et son successeur Ismaïl-Pacha ont compris qu’en un pays comme l’Égypte le service des antiquités doit compter au nombre des premiers services publics ; mais, avec une intelligence dont peu de gouvernements européens se seraient montrés capables, ils n’ont pas cherché une seule fois à faire dévier M. Mariette de sa grande ligne sérieuse pour lui demander de ces choses voyantes ou puériles qui captivent l’admiration des gens peu éclairés. Les gouvernements qui veulent bien patronner la science ne font rien, si en même temps ils ne la laissent libre de suivre ses directions, ne lui demandant autre chose que la solide gloire qu’elle sait conférer.

Les difficultés contre lesquelles M. Mariette a dû lutter pour arriver à ces résultats sont inouïes. Depuis plus d’un demi-siècle, les antiquités égyptiennes étaient au pillage.