Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pent toutes les avenues de l’Histoire. Chez les premiers, on entre tout de suite dans le monde positif. Est-ce à dire que l’histoire égyptienne et l’histoire chinoise n’aient pas besoin d’être rectifiées par la critique ? Elles en ont, en un sens, plus besoin qu’aucune autre. Ce sont des histoires officielles, fausses par conséquent : comme tous les Moniteurs du monde, elles n’offrent qu’une vérité relative ; mais de là aux fables qui composent les origines grecques, romaines, hindoues, iraniennes, hébraïques, arabes, il y a l’infini. Certes je ne veux pas dire que les traditions des peuples indo-européens et celles des peuples sémitiques soient moins intéressantes que les textes fournis par l’égyptologie. L’importance du rôle joué par ces deux grandes races est telle que leurs fables ont en somme plus de prix que l’histoire la plus authentique des Égyptiens et des Chinois ; mais, s’il s’agit d’histoire documentaire, l’Égypte et la Chine ont une immense supériorité. Ces peuples, chez lesquels l’écriture est presque contemporaine de la parole, qui depuis une incalculable antiquité eurent l’hiéroglyphe comme partie intégrante du langage, nous ont légué leurs annales avec une suite que n’ont pu égaler les peuples chez lesquels l’écriture a été une invention tardivement connue.

Notre grand principe : A mythis omnis priscorum hominum historia procedit, est-il d’ailleurs complètement démenti en Égypte ? Expliquons-nous. Le règne de Ménès n’est pas pour les annalistes égyptiens le début de l’histoire d’Égypte. Avant Ménès, il y a, selon eux, le règne des dieux, des demi-dieux, des mânes (Necyes, Refaïm, géants). Osiris, Anubis, Typhon règnent des milliers d’années. L’évhémérisme, inhérent à toutes les traditions