Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nesse des Yavanas[1] lui fut toujours inconnue. Qu’elle ait débuté par le réalisme, par la platitude, cela ne m’étonne pas plus que de la voir débuter par le bon sens, la bonne économie domestique, le droit sens de dignes fermiers sachant exactement le nombre de leurs oies et de leurs ânes. Nous ne sommes point ici en la terre d’Homère et de Phidias ; nous sommes en la terre de la conscience claire et rapide, mais bornée et stationnaire. Ce prêtre de Saïs que vit Solon crut sans doute faire une amère critique de la Grèce : « Vous êtes des enfants ; il n’y a pas de vieillards parmi vous ; vous êtes tous jeunes d’esprit. » Erreur profonde d’un conservateur étroit, fier de ce qui fait son infériorité. Il est permis de n’être plus jeune ; mais il faut l’avoir été. Ces gardiens inintelligents de lettres mortes ne voyaient pas ce qui faisait la force et la beauté de la Grèce, comme beaucoup d’esprits pesants de nos jours croient avoir tout dit contre la France, lorsqu’ils lui ont appliqué l’épithète de révolutionnaire.

Les tombeaux que nous venons de décrire, si nombreux dans le sable de Sakkara et au pied des Pyramides, sont tous datés des six premières dynasties, et, ne le seraient-ils pas, ils porteraient l’indication de leur âge relatif dans leur style et dans l’ordre d’idées qu’ils expriment. Qu’on les compare à ceux des grottes de Beni-Hassan (2500 ans avant Jésus-Christ). L’idée qui a présidé à la construction de ces derniers tombeaux est encore en un sens la même. Le mort est le dieu de sa maison éternelle ; cette maison est une grande chambre gaie, peuplée, vivante, sans représentations superstitieuses, sans ter-

  1. Nom primitif des Grecs au sein de la famille aryenne. Yavanas – Iones, les jeunes.