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en laissera une partie pour subvenir à leurs nécessités dans l’autre vie.

Au premier coup d’œil, rien absolument, dans les singulières constructions que nous venons de décrire, ne rappelle un tombeau. Ce sont des maisons, et c’est ici que l’on comprend la parfaite justesse de ce passage de Diodore de Sicile : « Les Égyptiens appellent les demeures des vivants des gîtes, parce qu’on y demeure peu de temps ; les tombeaux, au contraire, ils les appellent « maisons éternelles », parce qu’on y est pour toujours. Voilà pourquoi ils ont peu de souci d’orner leurs maisons, tandis qu’ils ne négligent rien pour la splendeur de leurs tombeaux[1]. » Le cadavre, en ces maisons mortuaires, est soigneusement dissimulé. Au plus épais de la maçonnerie, à l’endroit que l’on pouvait le moins soupçonner, se trouve un puits vertical, toujours carré ou rectangulaire, d’environ vingt-cinq mètres de profondeur ; au fond de ce puits s’ouvre un couloir horizontal menant à une chambre : là est le sarcophage monolithe, immense cuve en granit ou en calcaire blanc, dont les pans sont quelquefois décorés de rainures prismatiques et d’autres ornements analogues à ceux de la façade extérieure du tombeau. La préoccupation qui domine est de mettre le corps à l’abri de toute profanation. On sent que, dans la croyance générale, une telle profanation est un immense malheur, que le salut éternel du mort est compromis, si le cadavre est dérangé de son repos, que l’âme, au jour de la résurrection, aura besoin de trouver le corps intact,

  1. Diodore de Sicile, I, 51. Comparez beth olam chez les Hébreux et chez les Phéniciens, domus æterna dans l’Afrique carthaginoise, ainsi que dans l’épigraphie juive et chrétienne.