Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces chapitres du rituel qui plus tard seront la décoration obligée de toutes les sépultures. La Divinité n’est représentée par aucune image, ni désignée par aucun nom. Anubis est déjà le gardien de la « maison éternelle ». Quant à Osiris, le dieu funèbre par excellence, on ne le voit jamais représenté à cette époque. Ces tombeaux ne sont nullement des chapelles funéraires consacrées à un dieu. C’est le mort qui est le maître et en quelque sorte le dieu de céans ; tout est pour lui, tout converge vers lui. D’un autre côté, rien ne ressemble moins au tombeau de famille, à ces sortes de grandes salles communes, où venaient se coucher tour à tour les générations, comme on en trouve chez les Hébreux et les Phéniciens. Le tombeau ici est tout individuel ; la femme même, sauf quelques exceptions, n’y est pas admise avec son mari ! Ce sont, en un mot, des maisons imaginaires, que l’âme du mort habite, qu’il hante, où il trouve ses aises, ses habitudes. Aucune lumière n’y pénétrait quand la porte était fermée. On n’y entrait qu’à certains anniversaires et pour renouveler les objets d’offrande. On partait de cette idée, en effet, que le mort conservait des goûts et des besoins analogues à ceux qu’il avait eus de son vivant. On lui servait des mets, on mettait à sa disposition des ustensiles. Noble et touchante obstination ! ces aliments, ces objets eurent beau chaque fois rester intacts ; durant des milliers d’années, on n’eut pas d’yeux pour voir. Aujourd’hui encore, malgré l’islamisme, ces pieuses croyances n’ont pas disparu. Quelque temps après la mort d’une personne regrettée, le fellah va manger près de son tombeau, y dépose des oignons. D’autres, à l’article de la mort, consentent à révéler leur trésor, à la condition qu’on