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l’humanité. C’est l’Égypte des Pyramides, cette Égypte que nous voyons respirer et vivre avec une vérité sans pareille dans les tombeaux dits « tombeaux de l’ancien empire ». Les fouilles de M. Mariette ont prodigieusement élargi ce qu’on savait de cette époque. Grâce à lui, nous possédons un nombre énorme de sculptures, d’inscriptions, de statues, remontant à 4000 ou 4500 avant Jésus-Christ. Il faut, pour se bien figurer ceci, avoir vu Sakkara, le pied des Pyramides et le musée de Boulaq. Je n’ai jamais éprouvé d’impression aussi forte, pas même dans la haute Égypte. Il s’agit d’un monde antérieur de 4000 ans à tout ce que nous connaissons, et se décelant lui-même à des signes d’une évidence absolue. Ailleurs hautement utiles et fructueuses, les fouilles de M. Mariette ont amené ici des résultats hors ligne. Suivez-moi pas à pas. Je veux vous faire comprendre combien ce point capital du monde renferme de trésors et de révélations.

Nous abordons au village de Bedreschin, sur la rive gauche du Nil, à quarante-six kilomètres environ au sud du Caire. Nous sommes ici probablement sur l’emplacement d’un des quais de Memphis ; mais tout a disparu. Des murs en briques crues encore assez bien conservés se voient çà et là ; seulement toute la pierre de taille a été enlevée pour bâtir le Caire. On se croirait à peine sur le site d’une ville antique sans ce gigantesque colosse d’Aménophis III, maintenant renversé et couvert d’eau, que nous laissons sur notre gauche. Nous arrivons au village de Sakkara, au pied de la chaîne libyque, vers le milieu de cette file de pyramides qui s’étend sans interruption d’Abou-Roasch au Fayyoum, sur une longueur de vingt-cinq à trente lieues ; il y en a en tout de soixante à soixante et dix. La plus voi-