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qui prouve que Manéthon procéda bien de la sorte, ou, pour mieux dire, que la série officielle des anciens rois, acceptée du temps des Ptolémées, avait subi beaucoup d’éliminations, c’est que les différentes listes de rois que nous possédons en caractères hiéroglyphiques, et en particulier la plus importante de toutes, la nouvelle liste que M. Mariette a récemment découverte à Abydos, contiennent un grand nombre de rois dont il n’y a pas de trace dans Manéthon. Nous en avons une autre preuve pour l’époque des Pasteurs. Durant la domination de ces étrangers, il se conserva dans diverses parties de l’Égypte, surtout dans la Thébaïde, de petites dynasties indigènes. Les Pasteurs cependant, à cause de leur puissance, ayant fini par passer pour légitimes (à peu près comme la dynastie carlovingienne, bien que purement allemande, est adoptée par les historiens légitimistes dans la série des « rois de France » ), Manéthon, suivant son principe, qu’à un moment donné il n’y a eu qu’une seule dynastie légitime, omet toutes les autres et ne parle que des Pasteurs. M. Mariette a réuni d’autres exemples de ces éliminations[1] ; mais voici un fait bien plus grave, et qui, j’ose le dire, est à lui seul presque décisif.

Il est clair que le système des dynasties locales et simultanées est renversé par la base, si l’on trouve dans toutes les parties de l’Égypte des monuments des dynasties qu’on prétend avoir été locales. Or c’est ce qui a lieu. Dans la plupart des systèmes, la cinquième dynastie règne à Éléphantine pendant que la sixième règne à Memphis. Si cela était vrai, chaque dynastie aurait eu

  1. Aperçu de l’histoire d’Égypte. Alexandrie, 1864, p. 73.