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LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT. 519

Ce que je ferais, le voici :

Et d’abord je supprimerais ce déplorable barbarisme d’Université de France, assemblage de mots tout à fait incohérents. L’essence d’une université est de résider dans une ville, d’y avoir son existence indépendante. « Université d’Oxford », « université de Tubingue » sont des mots qui se comprennent. Mais qui jamais a entendu parler d’« université d’Allemagne », d’« université d’Angleterre ? » Il faut revenir à ce vieux système des universités distinctes et rivales que la France a inauguré autrefois, qu’elle a eu le tort d’abandonner, et qui est aujourd’hui celui de toutes les nations civilisées.

Organisons d’abord l’Université de Paris. Cela sera bien facile, puisque Paris possède les cinq facultés qui sont les parties intégrantes de toute université. Il suffira de réunir par un lien réel les facultés des lettres, des sciences, de médecine, de droit, de théologie. Le corps ainsi constitué aura ses conseils, ses assemblées, son recteur annuel, désigné par un roulement analogue à ce qui se pratique dans les universités étrangères. Il n’y a pas une seule des facultés de Paris qui ne renferme des professeurs éminents ; mettons que l’une ou l’autre de ces facultés paraisse faible, incomplète, on y devrait adjoindre quelques hommes de mérite supérieur. Cela fait, il s’agirait d’ajouter au corps de professeurs ainsi constitué une annexe indispensable, sans laquelle tout institut d’enseignement est défectueux, illibéral, fermé, avec laquelle au contraire la porte est ouverte à tous les progrès : je veux parler de ce que l’on appelle en Allemagne le Privat-docentisme, et de ce que nous appellerons l’enseignement supérieur libre. Le mécanisme d’un tel en-