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MÉLANGES D’HISTOIRE.

Votre voix, d’ailleurs, n’aurait atteint qu’une bien faible partie du public qui s’intéresse à nos recherches. Mais, si vos communications avec le monde savant ont été interrompues, vos travaux intérieurs n’ont pas cessé d’être actifs. Durant ces deux funestes années, vous n’avez pas omis de tenir une seule de vos séances hebdomadaires, et, dans des siècles, l’érudit qui parcourra vos registres ne remarquera, à tant de dates lugubres dont le souvenir restera maudit, aucun indice des troubles, des terreurs du dehors. Vos doctes discussions, les mémoires lus dans votre sein, ont offert le même intérêt que d’ordinaire ; rien dans vos comptes rendus ne portera la trace d’une année de larmes et de sang. Une seule fois, le 26 mai de cette année, quelques heures après que le dernier obus tombait sur le bâtiment où vous êtes, votre procès-verbal semble un peu ému. Vous étiez sept, messieurs, venus à travers l’incendie pour savoir si quelque chose de ce dont nous vivons, de ce que nous aimons, existait encore. Votre président de 1871, que rien n’avait pu décider à quitter une ville où l’attachaient votre mandat et la conservation du dépôt confié à sa garde, vous adressait ces paroles :


« Sous le régime de terreur que nous avons subi pendant plus de deux mois, l’Académie des inscriptions n’a jamais cessé de se réunir, et chacune de nos séances a été remplie de lectures, de communications qui prouvaient que, au milieu de nos malheurs, vous n’avez jamais douté ni de l’avenir du pays, ni de l’utilité de la science. Enfin l’heure de la délivrance a sonné ; depuis avant-hier, le drapeau de la France a repris sa place sur le palais dont la nation a doté l’Institut, et qui serait aujourd’hui un monceau de ruines, si le cou-